Portrait : Véronique Torner – Présidente de Numeum

Le 13/11/2023

Véronique Torner débute son parcours entre-preneurial en 1998, après son diplôme de CPE Lyon. Elle co-crée Black Orange, une start-up e-commerce cédée en 2000. Puis prend la direction générale de Masterline Net Solu-tions, puis de Masterline pendant 5 ans. Elle co-fonde alors Alter Way, une PME techno-logique qui conçoit, développe et infogère des services applicatifs et d’infrastructure numériques autour du cloud et des méthodes DevOps. Fin 2021, Alter Way rejoint le groupe Smile, leader européen des services numé-riques en Open Source. En parallèle, depuis 2009, Véronique Torner est présidente de l’Open CIO Summit, et depuis 2013 membre du conseil d’administration de Numeum. Depuis 2019, elle est en charge des programmes Numérique responsable et Planet Tech’Care. Et a été élue présidente de l’association en juin 2023.

Vous êtes en lice pour être la personnalité IT de l’année, ce qui signifie que vous figurez parmi les 10 candidats sélectionnés par Le Monde Informatique qui ont marqué l’année par leur contribution au numérique. Quels sont vos engagements aujourd’hui ?

Je suis, depuis juin dernier, la nouvelle prési-dente de Numeum, le premier syndicat patronal de la fédération Syntec et la première organisation des professionnels du Numérique en France. C’est la première fois qu’une femme et qu’un acteur du secteur de l’Open Source occupe ce mandat.
C’est une grande fierté pour moi d’avoir la confiance de mes pairs, de porter la voix de nos 2 500 adhérents et de contribuer à développer le Numérique en France.
Avec le conseil d’administration de Numeum, nous portons un projet d’impact articulé autour de 3 grandes priorités :

– Les Régions :
2 chiffres : 90% des décisions sont prises en région. Plus de 50% de nos adhérents sont situés en dehors de l’Ile de France.
Nous avons l’ambition de mieux mailler nos actions avec et dans tous les territoires sans oublier l’Europe qui est désormais un espace incontournable si nous voulons compter dans le jeu international.

– Les compétences :
C’est notre plafond de verre. La difficulté de recrutement est le premier frein à la crois-sance cité par nos entreprises adhérentes. Nous devons actionner tous les leviers permettant de créer des nouveaux talents dans le Numérique.

– Le Numérique Responsable :
C’est l’engagement fort que je porte depuis plusieurs années au sein de Numeum. Nous devons accompagner notre secteur à s’inscrire dans une trajectoire de perfor-mance à impact positif, c’est-à-dire aider nos entreprises à se développer sur le plan économique en intégrant les dimensions sociales, sociétales et environnementales.

 

Les questions du numérique responsable progressent au sein de l’écosystème IT. Vous-même, vous avez lancé l’initiative « Planet Tech’Care » qui lutte pour un numérique plus éco-responsable et qui regroupe aujourd’hui près de 1000 signataires et 60 associations. Vous êtes confiante quant à cette prise de conscience ? Des freins restent-ils à lever ? Quelles sont les pistes pour concilier transfor-mation numérique et transition écologique ?

Le prise de conscience monte en puissance. C’est un travail de longue haleine qui doit être réaliser avec méthode et exigence tant au niveau des offreurs qu’au niveau des utilisateurs c’est-à-dire nos clients et les consommateurs. Nous travaillons dans ce sens avec le Cigref et l’ensemble des écosystèmes.
Il y a toujours des freins et des contraintes dans l’exécution d’une feuille de route.
Le manque d’outils Open Source est par exemple un des freins pour passer à l’échelle. Le numérique doit être résolument « pharma-cologique » dans son approche, et donc penser à la posologie et aux effets secondaires. Dans toute médication, la prise déraisonnable d’une potion peut constituer un poison.
Or, dans le contexte qui est le nôtre, nous ne pouvons pas risquer le fait de devenir des apprentis sorciers.

 

Un autre grand défi du secteur est de trouver des solutions au manque de compétences. Quelles sont les actions urgentes à mettre en place selon vous ?

Nous souhaitons actionner 4 leviers pour répondre et tordre le bras à la situation actuelle :

– Agir dès le plus jeune âge en faisant du numérique un enseignement à part entière et plus tard au lycée en rendant plus acces-sible la spécialité Numérique et Sciences informatiques. Numeum est d’ailleurs parte-naire actif de la Semaine du numérique et des sciences informatiques qui aura lieu du 4 au 9 décembre 2023.

– Il faut poursuivre nos efforts sur le recrute-ment de jeunes en apprentissage, véritable levier d’insertion professionnel. A ce titre, les entreprises du secteur numérique ont recruté plus de 28 000 jeunes en contrat d’apprentissage en 2022. 75 % d’entre eux ont signé un contrat de travail avec une entre-prise du secteur.

– Œuvrer pour l’adaptation et le dévelop-pement des compétences des salariés en poste afin de leur permettre de répondre aux besoins en compétences des entre-prises.

– Recruter autrement : Développer les actions de reconversion sur tous les terri-toires en déployant Numeric’Emploi dans toutes les régions afin de permettre à toute personne souhaitant effectuer une recon-version professionnelle vers les métiers du numérique de trouver un accompagnement

Le sujet comprend la nécessaire féminisa-tion du secteur pour développer le vivier de recrutement. Nous travaillons notamment sur la reconversion des femmes issues d’autres secteurs, utilisateurs du numérique.

 

Une question autour de l’IA qui suscite aujourd’hui beaucoup de débats. Des règle-mentations sont en préparation. Vont-elles selon vous dans le bon sens ? Le cadre n’est-il pas trop contraignant ? Le risque de tuer l’in-novation en Europe est-il réel selon vous ?

Nous soutenons une trajectoire équilibrée entre innovation et régulation.
Promouvoir un Numérique Responsable, c’est notamment promouvoir un Numérique de Confiance qui offre un cadre permettant de saisir les opportunités économiques tout en répondant aux défis d’éthique, de protection des données, de cybersécurité et d’autonomie stratégique.
Nous avons développé par exemple, chez Numeum, avec nos partenaires, un référentiel de bonnes pratiques, Ethical AI, pour aider nos entreprises à développer une IA « éthique by design ».
D’autre part, nous avons un bureau à Bruxelles qui contribue activement à travailler sur les textes européens relatifs au Numérique, notam-ment sur le texte AI Act.
Sur ce sujet, nous soutenons l’approche par les risques qui a été choisie et restons très exigeants dans son écriture afin de ne pas tuer nos possibilités de développement et nos chances de créer des leaders européens.

 

>> Interview à retrouver dans le hors-série 2023, en téléchargement ICI